Centenaire de la naissance de Jorge Semprún
En France comme en Espagne est commémorée cette année le centenaire de la naissance de l’écrivain Jorge Semprún (1923-2011), une commémoration qui permet aussi de mettre en lumière la protection des réfugiés espagnols par l’Ofpra.
Comme l’écrit Geneviève Dreyfus-Armand dans le livre publié aux éditions Loubatières à l’occasion des 70 ans de l’Ofpra en 2022, Jorge Semprún est entré en France en février 1939 avec sa famille, venant des Pays-Bas où résidaient ses parents. Devenu militant communiste en 1941, il entre dans la Résistance en 1942. Arrêté en octobre 1943 par la police allemande près de Joigny, emprisonné à Auxerre, torturé, il est déporté à Buchenwald où il devient, en janvier 1944, à 20 ans, le matricule 44 904.
À partir de 1945, comme de nombreux républicains exilés, il est reconnu
réfugié
par l’Office central des réfugiés espagnols puis protégé par l’Ofpra jusqu’en 1969, date à laquelle il obtient un passeport espagnol.
Traducteur à l’Unesco, il devient, en 1952, permanent du Parti communiste espagnol (PCE), interdit en France depuis deux ans. Membre du comité central puis du bureau politique, il effectue de nombreux séjours clandestins en Espagne pendant dix ans. De plus en plus critique par rapport à la ligne du PCE, il en est exclu en janvier 1965.
Installé à Paris, Jorge Semprún s’affirme comme écrivain et scénariste, souvent couronné de prix. Il écrit les scénarios de films d’Alain Resnais – La Guerre est finie, Stavisky –, de Costa-Gavras –Z, L’Aveu, Section spéciale –, de Pierre Granier-Deferre – Une femme à sa fenêtre – ou de Joseph Losey – Les Routes du Sud. En 1972, il réalise le documentaire Les Deux mémoires, sorti en France en 1974, « enquête sur les mémoires républicaine et franquiste », où il donne la parole à des représentants de tous les courants du camp républicain, marquant ainsi son évolution personnelle depuis La Guerre est finie.
Il publie des romans et de nombreuses autobiographies romancées évoquant l’univers concentrationnaire nazi, telles que Le Grand Voyage (1963), L’Évanouissement (1967), Quel beau dimanche ! (1980), L’Écriture ou la vie (1993) ou Le Mort qu’il faut (2001). Son troisième roman en français, La Deuxième mort de Ramón Mercader, remporte le prix Femina en 1969. Ce faux roman d’espionnage, librement inspiré de l’itinéraire de Ramón Mercader, agent espagnol de la police politique soviétique qui assassine Léon Trotski à Mexico en 1940, est l’occasion d’évoquer l’histoire du mouvement communiste de la guerre d’Espagne à la mort de Staline.
Ses publications en castillan – Autobiographie de Federico Sánchez (1977) et Federico Sánchez vous salue bien (1993) – concernent ses activités en Espagne comme militant clandestin puis comme ministre de la Culture entre 1988 et 1991 ; il y analyse ses engagements et responsabilités avec une grande lucidité. Ses convictions européennes s’expriment dans L’Homme européen (2005) ou Une tombe au creux de nuages. Essai sur l’Europe d’hier et d’aujourd’hui (2010). Il a été élu à l’Académie Goncourt en 1996.
Cet anniversaire coïncide avec le lancement de la
numérisation
des archives des réfugiés espagnols conservées par l’Ofpra, un projet qui s’inscrit dans la continuité du 27e sommet franco-espagnol à Barcelone le 19 janvier 2023, au cours duquel la France et l’Espagne ont réaffirmé leur volonté de poursuivre leurs efforts conjoints pour valoriser les archives historiques de l’Ofpra relatives aux réfugiés espagnols, dans le cadre de la construction de la mémoire démocratique en Espagne et en Europe. Il a donné lieu à la signature d’une déclaration d’intention le 18 janvier 2023 entre Isaac Sastre de Diego, directeur général du patrimoine culturel et des beaux-arts du ministère de la Culture et des Sports du Royaume d’Espagne et Julien Boucher, directeur général de l’Ofpra.
Pour aller plus loin :
- Publication en ligne sur la protection des réfugiés espagnols à l’Ofpra
- Le guide thématique du Portail France Archives sur les réfugiés de la guerre d’Espagne en France