Jorge Semprún, auteur
Jorge Semprún y Maura est né le 10 décembre 1923 à Madrid. Pendant la guerre civile (1936-1939), son père, avocat, professeur de droit et ancien gouverneur civil de province fidèle à la République, représente l’Espagne républicaine aux Pays-Bas. La famille s’exile en France le 22 février 1939, après la victoire du général Franco. Jorge a 16 ans. Il en a 18 lorsqu’il s’engage dans le Parti communiste espagnol (PCE) et dans la Résistance, au sein des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée). Arrêté en octobre 1943 par la Gestapo, interrogé, torturé, puis emprisonné à Auxerre jusqu’en décembre 1943, il est ensuite transféré au camp de Compiègne puis déporté à Buchenwald en janvier 1944. Il a 20 ans.
Libéré après l’arrivée des troupes américaines et l’insurrection des déportés, Jorge Semprún rentre à Paris en 1945. L’Office central des réfugiés espagnols lui octroie le statut de réfugié dès son retour et cette protection est assurée par l’Ofpra à partir de 1952. La situation de Jorge Semprun au regard du statut est particulière puisque, membre actif du PCE, il est affecté au travail clandestin en Espagne où il fait plusieurs séjours sous différents pseudonymes entre 1953 et 1962. Exclu du parti en janvier 1965 en raison de ses positions critiques, il renoue avec l’Espagne et cesse d’être réfugié en 1969.
Jorge Semprun a continué à résider en France à l’exception de la période 1988-1991 où il occupe le poste de ministre de la Culture dans le gouvernement socialiste de Felipe González. Il publie des romans et des essais en français et en espagnol sur son expérience concentrationnaire, sur le Parti communiste espagnol, sur ses activités militantes en Espagne et sur ses convictions européennes. Il écrit aussi des scénarios de films dont La guerre est finie d’Alain Resnais et L’Aveu de Costa-Gavras. La mémoire est souvent la matière de son écriture et c’est dans cette ligne qu’il réalise en 1972 le documentaire Les Deux mémoires, donnant la parole aux acteurs des deux camps de la Guerre civile, républicains et nationalistes.
Il a déclaré à propos de son dernier livre Une tombe au creux des nuages. Essais sur l'Europe d'hier et d'aujourd'hui : « il serait bon que le travail de mémoire se fasse au niveau européen. Pour coordonner et pour donner un sens qui serait positif pour l’avenir. Nous venons de là, ça vaut donc la peine de continuer cette entreprise qui permet de liquider ce passé…L’Europe est fondée sur la mémoire critique du nazisme, du fascisme, des dictatures autoritaires comme le franquisme, et sur la mémoire immédiate de cette période où, à travers les pays satellites, le stalinisme était présent dans une partie de l’Europe…le socle commun est culturel à cause de ce passé, mais surtout politique : c’est la démocratie. On ne peut pas intégrer l’Europe si l’on n’est pas une démocratie, au sens le plus précis du terme : pluralisme politique, liberté d’élections, liberté d’expression, liberté de la presse… Ce n’est pas une formalité mais une essence. Dans la Déclaration du Conseil de l’Europe de Laeken, en 2001, il y a une très belle phrase qui dit : "La seule frontière de l’Europe, c’est la démocratie." »
Jorge Semprun avait été élu à l'Académie Goncourt en 1996, récompensé du Prix Fémina en 1969 pour La deuxième mort de Ramon Mercader et du prix Ulysse en 2004 pour l'ensemble de son œuvre.